La reine de Carthage
Mlle Clairon, célèbre actrice de la Comédie-Française, faisait répéter le rôle de Didon à une jeune et jolie femme assez audacieuse pour oser aborder ce rôle dans lequel elle se proposait de débuter.
Mlle Clairon excellait, moins par la tendresse que par la fierté, à représenter la superbe reine de Carthage.
— Allons courage, disait la célèbre institutrice, animez-vous. Laissez parler votre indignation, votre amour trahi, votre orgueil offensé. Pénétrez-vous de la situation,elle est facile à comprendre. Toutes les femmes’aimantes peuvent être dans la vie privée des Didon. Que feriez-vous si vous étiez abandonnée par votre amant ?
— Mon Dieu, madame, répondit l’écolière, j’en prendrais un autre.
A cette réponse, Mlle Clairon, furieuse, se leva de son fauteuil :
— Allez, sortez de chez moi, ma mie ! Allez jouer Colombine ou Argentine sur je ne sais quel théâtre de la foire, mais n’approchez jamais de la Comédie-Française, et surtout gardez-vous de toucher à la tragédie !
« L’Entr’acte versaillais. » Versailles, 1864.