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Les anecdotes
15 juin 2022

Pauvre mère

mere-enfant

J’étais égaré depuis ce longues heures, me disait dernièrement un vieux soldat de l’armée que la république envoya porter la liberté aux noirs. J’étais égaré depuis plusieurs heures au milieu d’une immense forêt dont je cherchais en vain l’issue.

Le dédale était effrayant : aucun sentier battu ne faisait espérer de pouvoir en sortir, et la nuit qui survint noire et épaisse me jetant dans de nouvelles incertitudes, force me fut donc d’errer à l’aventure. Tout-à-coup, vers le milieu de la nuit, brille au loin une lumière qui paraît et disparaît sans cesse entre les arbres. Je résolus, à tout hasard, de diriger mes pas vers ce côté.

Quelle fut ma surprise… une femme ! seule, enveloppée dans un grand manteau, n’ayant pour garde qu’un petit enfant qui semblait dormir. Sa figure triste et abattue offrait l’image de la mort. Ses yeux, voilés de grosses larmes, demeuraient fixes sur l’enfant. Elle portait avec elle une petite pelle dont elle se servit pour enlever le gazon et creuser une fosse. De temps en temps elle s’arrêtait et venait s’asseoir auprès du corps froid de son fils, le prenant dans ses bras et le couvrant de baisers et de larmes. puis recommençait son travail.

Il est terminé : la fosse est prête. Pauvre mère ! ses mains tremblantes peuvent à peine soulever le fardeau de son fils qui eût été si léger, folâtrant sur le sein maternel, et qui, maintenant, est si pesant, privé de vie. Elle l’approche de la tombe, lui fait une couche de ses cheveux, et, après lui avoir donné le dernier baiser, elle le couvre d’un frais et léger gazon.

Adieu ! mon fils , s’écrie- t-elle ! adieu!… petit ange ! tu as souri une fois à ta mère et tu t’es envolé ensuite pour jamais loin de son amour… Ah ! mon époux ! ah ! mon fils! ne vous reverrai-je jamais… Mon Dieu ! tirez-moi de mon exil !

Et sa tête, penchée sur sa poitrine, demeura immobile. Elle venait de rejoindre les objets chéris qu’elle avait perdus.

Charles Maignan. « Journal parisien. »  Paris, 1833. 

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