Superstitions anglaises
On ne saurait imaginer, dit M. Charles Roper (1858 –1940), à quel point les superstitions les plus enfantines sont répandues en Angleterre.
De nos jours les servantes achètent encore du sang de dragon et le jettent au feu, pour apercevoir dans la fumée ainsi produite, les traits de leurs futurs maris. Il n’est pas rare de voir quelques dames à équipage visiter des femmes qui exercent professionnellement comme sorcières, et qui prédisent l’avenir.
Dans la grande majorité des maisons anglaises, on trouve un fer à cheval cloué sur la porte, pour porter bonheur. Au contraire c’est signe de malheur quand un soulier est posé sur une table ou que l’on met soit deux couteaux sur une assiette, soit deux cuillers sur une soucoupe. Au nouvel an, le propriétaire rural sort de sa maison à minuit moins le quart et y rentre au dernier coup de minuit. Il croit s’assurer une année de prospérité en franchissant ainsi le premier le seuil de sa porte.
Dans le Norfolk, le monde redoute l’apparition de Chuck. C’est, au dire des paysans qui racontent tous l’avoir entrevu, une espèce de chien noir, hérissé, de mauvaise mine, avec des yeux flamboyants, qui suit le voyageur sur le sentier, tantôt demeurant caché dans l’ombre, tantôt apparaissant distinctement Notez que deux vers luisants et une broussaille un peu fournie peuvent parfaitement suffire à donner l’illusion de cette silhouette surnaturelle.
La superstition sert d’ailleurs quelquefois d’excuse aux défauts et même aux vices : témoin cet homme, qui s’enivrait tous les jours et qui répondait aux reproches qu’on lui adressait qu’il avait en lui un diable, un petit diable toujours altéré, et que c’était ce petit diable qui voulait boire. Il aurait bien voulu être sobre, mais son esprit familier l’obligeait à aller sans cesse au cabaret. Et, en disant cela, l’ivrogne était sérieux comme un évêque.
« Revue générale des contes, légendes, chants, usages, traditions et arts populaires. » Paris, 1894.