Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les anecdotes
7 février 2022

Un mystérieux suicide

lord-castlereagh

Le docteur Brierre de Boismont a extrait l’histoire présente d’un livre curieux publié par un médecin anglais, sous le titre de Anatomy of suicide. Elle se rapporte à la cause mystérieuse du suicide du marquis de Londonderry (Robert Stewart), qui, sous le nom de lord Castelreagh, fut ministre du Foreign Office pendant la lutte de l’Angleterre et de l’Europe coalisée contre la France, et qui, en 1820, se coupa la gorge dans un accès de folie.

Il y a environ quarante ans, le noble lord était allé visiter un gentilhomme de ses amis, qui habitait, au nord de l’Irlande, un de ces vieux châteaux que les romanciers choisissent de préférence pour théâtre de leurs apparitions. L’aspect de l’appartement du marquis était en harmonie parfaite avec l’édifice. En effet, les boiseries richement sculptées, noircies avec le temps, l’immense cintre de la cheminée, semblable à l’entrée d’une tombe, la longue file des portraits des ancêtres au regard à la fois fier et méprisant, les draperies vastes, poudreuses et lourdes qui masquaient les croisées et entouraient le lit, étaient bien de nature à donner un tour mélancolique aux pensées.

Lord Londonderry examina sa chambre et fit connaissance avec les anciens maîtres du château, qui, debout dans leur cadre d’ivoire, semblaient attendre son salut. Après avoir congédié son valet, il se mit au lit. Il venait d’éteindre sa bougie, lorsqu’il aperçut un rayon de lumière qui éclairait le ciel de son lit. Convaincu qu’il n’y avait pas de feu dans la grille, que les rideaux étaient fermés, et que la chambre était, quelques minutes avant, dans une obscurité complète, il supposa qu’un intrus s’était glissé dans la pièce. Se tournant alors rapidement du côté d’où venait la lumière, il vit, à son grand étonnement, la figure d’un bel enfant entouré d’un limbe. L’esprit se tenait à quelque distance de son lit.

Persuadé de l’intégrité de ses facultés, mais soupçonnant une mystification de la part d’un des nombreux hôtes du château, lord Londonderry s’avança vers l’apparition, qui se retira devant lui. A mesure qu’il approchait, elle reculait, jusqu’à ce qu’enfin, parvenue sous le grand cintre de l’immense cheminée, elle s’abîma dans la terre. Lord Londonderry revint à son lit, mais il ne dormit pas de la nuit, tourmenté de cet événement extraordinaire. Était-il réel, ou devait-il être considéré comme l’effet d’une imagination exaltée ? Le mystère n’était pas facile à résoudre.

Il se détermina à ne faire aucune allusion à ce qui lui était arrivé, jusqu’à ce qu’il eût examiné avec soin les figures de toutes les personnes de la maison, afin de s’assurer s’il avait été l’objet de quelque supercherie. Au déjeuner, le marquis chercha en vain à surprendre sur les figures quelques-uns de ces sourires cachés, de ces regards de connivence, de ces clignements d’yeux, par lesquels se trahissent généralement les auteurs de ces conspirations domestiques. La conversation suivit son cours ordinaire. Elle était animée, rien ne révélait une mystification, tout se passa comme de coutume. A la fin, le héros de l’aventure ne put résister au désir de raconter ce qu’il avait vu, et il entra dans toutes les particularités de l’apparition. Ce récit excita beaucoup d’intérêt parmi les auditeurs et donna lieu à des explications fort diverses. Mais le maître du lieu interrompit les divers commentaires en faisant observer que la relation de lord Londonderry devait, en effet, paraître fort extraordinaire à ceux qui n’habitaient pas depuis longtemps le château, et qui ne connaissaient pas les légendes de la famille. Alors, se retournant vers le héros de l’aventure :

« Vous avez vu l’enfant brillant, lui dit-il, soyez satisfait, c’est le présage d’une grande fortune, mais j’aurais préféré qu’il n’eût point été question de cette apparition. »  

Dans une autre circonstance, lord Castelreagh vit encore l’enfant brillant à la chambre des communes, et il est très probable que le jour de son suicide, il eut une semblable apparition. 

suicide-lord-castlereagh

Louis Figuier. « Histoire du merveilleux dans les temps modernes. » Paris, 1860.

Publicité
Publicité
Commentaires
Les anecdotes
Publicité
Les anecdotes
Newsletter
2 abonnés
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 9 158
Archives
Publicité