Prestidigitateurs en colère
Hier à deux heures, a eu lieu au théâtre Robert-Houdin la réunion du syndicat des prestidigitateurs. On n’y a pas fait cuire des omelettes dans des chapeaux, malgré cela la séance n’a pas manqué d’un certain intérêt.
L’art de la prestidigitation y a été discuté à fond, et les membres ont décidé, à l’unanimité, que la prestidigitation se composant d’un certain nombre de secrets qui sont l’apanage de tous et non la propriété d’un seul, il devait être interdit de faire la moindre divulgation, sous peine de radiation. Cependant, il est permis à tout prestidigitateur de faire des élèves; mais, quel que soit le prix offert, il est défendu aux membres du syndicat de dévoiler en public, ainsi que dans les brochures ou journaux, tout secret, même insignifiant en apparence, touchant directement à l’art du prestidigitateur.
Comme on le devine, cet article constitue une protestation véhémente de la corporation contre les révélations d’un prestidigitateur connu, qui a été convoqué par ses confrères, mais qui n’a pas cru devoir se joindre à eux.
La question des secours à attribuer aux membres du syndicat, en cas de maladie, a été en outre traitée, puis la séance a été levée, et sur un coup de baguette magique tout le monde a disparu comme par enchantement. Quant aux statuts qui ont été adoptés définitivement, ils seront soumis prochainement aux autorités compétentes.
« Gil Blas. » Paris, 17 décembre 1892.