Le premier mari de France

Les concours dans les journaux sont à la mode. Les uns organisent un concours littéraire, d’autres un concours de photos, d’autres un concours de beauté, d’autres un concours de bébés, d’autres un concours de plantes utiles.

Tous ces concours éveillent les intelligences, stimulent les activités, suscitent les émulations. On ne saurait trop les encourager. Mais si nous savons prendre en France des initiatives originales en pareille matière, il faut avoir le courage de reconnaître que l’Amérique nous dame le pion dans les grands prix. On ne saurait imaginer quelle richesse d’inventions possèdent les yankees.

Voici les conditions d’un concours peu banal ouvert ces jours-ci par un journal de Chicago : un concours de maris !

Le prix d’excellence a été décerné à Mr. William Vannostran, gentleman de 35 ans, marié depuis 1900. Ce modèle des maris a gagné plusieurs points sur le deuxième concurrent. Les nombreuses vertus qui lui ont valu le ruban bleu ont été détaillées :

Il est de bonne humeur avant le déjeuner.
Il autorise sa femme à régler les dépenses du ménage.
Il ne ronfle pas.
Il déclare que sa femme fait mieux la cuisine que sa mère.
Il sait très bien porter la cravate.
Il est exact à l’heure des repas.
Il est aimable en société aussi bien qu’en particulier.
Il est bon juge en matière de beauté féminine.
Il est généreux et doué d’un caractère excellent.
Il aime mieux sa maison que son club.
Il ne bougonne pas quand la modiste présente sa note.

Tel est le signalement du premier mari d’Amérique.

Quel est donc le journal qui oserait organiser chez nous un concours à peu près analogue qui nous permettrait de déterminer les vertus du premier mari de France ?

Léon Robelin. « Nos lectures chez soi. » Paris, 2 janvier 1910.