Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les anecdotes
21 mars 2023

Le massacre des Peaux-Rouges

peaux-rouges

On ne saurait rester indifférent à ce qui se passe en ce moment, au delà de l’Océan, dans le Far West américain, où d’épouvantables scènes sanglantes se renouvellent chaque jour, comme une sorte de réédition d’actes déjà lointains dans l’histoire de l’humanité, si lointains même qu’ils ne nous apparaissent dans le vague de nos souvenirs du jeune âge, que comme des récits faits à plaisir pour effrayer les petits enfants, voire même les grands.

En effet, à l’époque actuelle de notre civilisation et surtout dans un pays comme le nôtre, on se rend difficilement à cette idée de soi-disant nécessité de pourchasser et de refouler toujours plus avant dans les terres, ces hordes d’Indiens, derniers vestiges d’une race à la veille de s’éteindre; je veux parler de ces malheureux Peaux-Rouges qui, de l’aveu même de ceux qui les traquent, vivaient paisiblement et demeuraient inoffensifs, ne demandant rien autre que le repos, la tranquillité et la libre pratique de leurs usages et coutumes.

Et c’est au nom de la civilisation qu’on fait à ces malheureux une guerre sans merci, une véritable guerre d’extermination ! C’est au nom du droit des gens que les envahisseurs anéantissent les travaux que, dans leur imprudente quiétude, les Indiens ont mis des années à exécuter; on saccage, on brûle, on dévaste tout ce qui tombe sous la main; on détruit les récoltes sur lesquelles ils  comptaient pour leur subsistance de l’année, et quand, exaspérées, les victimes se redressent menaçantes et font mine de vouloir défendre leurs biens, leur patrimoine, c’est-à-dire cette terre qui les a vus naître et à laquelle ils tiennent, comme nous aussi nous tenons à notre mère patrie, c’est alors qu’on nous montre cet affligeant spectacle de citoyens d’un peuple libre et fort, marchant en rangs serrés contre des malheureux cent fois inférieurs en nombre, mal équipés, peu ou point armés et que l’on a juré d’exterminer jusqu’au dernier.

En vérité la conscience se soulève à l’idée seule de telles atrocités, et ce n’est pas le mot de guerre qui convient ici pour qualifier cette mise en pratique du droit du plus fort.

La responsabilité de ces regrettables événements incombe tout entière aux Américains, et si haut que l’on remonte dans l’histoire des États-Unis, un juge impartial sera forcé de reconnaître que presque toujours les guerres indiennes ont eu pour point de départ la mauvaise foi des Américains, leur rapacité, et surtout le continuel envahissement des terres concédées.

Tous les historiens sont unanimes à reconnaître que, chez les Indiens, la parole donnée est chose sacrée, n’ent ont ils pas donné une éclatante preuve en restant les fidèles alliés de Washington, qui d’ailleurs leur avait promis de leur abandonner un terrain aussi grand que celui de la Pensylvanie ? Un des plus anciens traités connus est celui de « perpétuelle alliance offensive et défensive conclu avec les Delawares en 1778 ».

Mais les successeurs de Washington, au lieu de tenir la promesse qui avait été faite aux Indiens, ont, au contraire, resserré, d’année en année, la partie du territoire qui leur avait été concédée.

En effet, en 1785, c’est-à-dire sept ans après la signature du traité, les Delawares étaient chassés de leurs terres, refoulés dans l’Ohio et dans l’Indiana; en 1818, dans le Missouri et l’Arkansas; en 1829 le Kansas, véritable désert, leur était assigné comme dernière étape.

Plus tard, ce sont les Utes qui sont chassés du Colorado et enfin les Sioux qui, eux aussi, furent contraints d’abandonner leur territoire.

C’était l’éooque de la découverte des gisements aurifères, et dans cette longue et interminable lutte des Américains contre les Indiens, les actes de férocité reprochés à ces derniers sont loin de l’emporter sur ceux commis par leurs envahisseurs.

On croit généralement que les Indiens sont des tribus errantes qui, chaque jour, plient leurs tentes pour les fixer en d’autres lieux, et l’on serait tenté de ne les plaindre qu’à demi de cette expatriation forcée et sans cesse renouvelée.

Mais c’est là une erreur; tous les Indiens ne sont pas nomades, et le plus grand nombre d’entre eux, au contraire, aiment à vivre et mourir dans la région même qui les a vus naître. Ces sauvages ont donc avec nous plus d’un point de contact.

Ils plantent, ils bâtissent, ils se livrent à l’agriculture et à l’industrie; ils ont des écoles, des églises et même... des journaux.

Ce n’est pas trop mal, comme on voit, pour des sauvages, et, on comprend combien devait être grande leur exaspération, lorsque, après avoir défriché péniblement leurs terres, édifié des bâtisses, il leur fallait soudain tout abandonner, pour aller en d’autres lieux recommencer encore, recommencer toujours.

N’est-ce pas une triste histoire que celle de ces malheureux Indiens, véritables parias de la terre et qui, pourtant malgré tout, restent fidèles à leur foi et souffrent stoïquement, sans se plaindre, quelque grande que soit leur souffrance morale ou physique.

Et c’est contre ces malheureux que marche en ce moment tout un corps d’armée de près de vingt mille hommes, cavalerie et infanterie, formant les quatre divisions de Saint-Paul (Min.), Omaha (Neb.), du Missouri et du Texas.

Son champ d’opération s’étend sur la région comprise entre l’Amérique anglaise et le nord du golfe du Mexique.

Et puisque nous parlons des Indiens, disons, pour finir, qu’il en est dont le sort est infiniment plus heureux, et qui se déclarent infiniment satisfaits de leur sort. Ce sont les sujets de Sa Majesté Britannique. Ce sont les Peaux-Rouges du Canada.

Ils vivent paisiblement sans être aucunement inquiétés. Ils envoient leurs enfants à l’école. Les femmes s’occupent de la confection de ces mille petits bibelots, ouvrages en perles, reproduisant toutes sortes d’objets, et qui se vendent sur place ou s’importent en Europe; c’est le principal revenu de ces familles.

Les hommes s’occupent de différents métiers, tels que charpentiers, menuisiers, maçons, etc. Ils montrent peu de goût pour l’agriculture.

Ils ont pour les vieillards une profonde vénération, cette seule raison n’est-elle pas suffisante pour les juger ?

On ne peut s’empêcher de comparer les moyens d’action employés pour pacifier les Indiens. En effet, d’un côté nous voyons les Américains, qui ont dépensé plus de trois milliards et jonché tout le territoire envahi des cadavres de centaines de mille Indiens, et cela sans pouvoir réussir à les gagner à leur cause; d’un autre côté, les mêmes Anglo-Saxons, employant contre ces mêmes Indiens des moyens tout différents et réussissant à les pacifier sans dépenser un dollar et surtout sans aucune effusion de sang.

Mais il convient de dire aussi que l’honneur d’un tel résultat ne revient pas tout entier à l’Angleterre et qu’il faut en attribuer une large part à l’influence française qui n’a jamais cessé d’exister au Canada qui, on le sait, avant d’être à l’Angleterre, appartenait à la France.

A. Baer.

"L'Union républicaine de la Marne1891

Publicité
Publicité
Commentaires
Les anecdotes
Publicité
Les anecdotes
Newsletter
2 abonnés
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 9 161
Archives
Publicité