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Les anecdotes
27 décembre 2022

Doulce France

assassinat-concini

La mort de Henri IV laissa la France à la dérive, sans gouvernail : Sully se retira après quatorze années d’heureuse administration financière, et il survécut trente ans encore, dans une retraite maussade et grincheuse. Ses raideurs doctrinaires insultaient aux jeunes courtisans :

— Sire, dit-il un jour à Louis XIII, quand le roi, votre père, de glorieuse mémoire, me faisait l’honneur de m’appeler pour m’entretenir de ses affaires, au préalable il faisait sortir ses bouffons.

Bouffon, en effet, l’aventurier Concini que le caprice de Marie de Médicis métamorphose en maréchal. Chacun en connaît la brusque fin : il sort de sa maison, quand le baron de Vitry lui met la main sur le bras droit :

— Le roi m’a ordonné de me saisir de votre personne.

L’Italien, qui lisait une lettre, fait un pas en arrière : 

— A moi ?
— Oui, à vous.

Et en même temps il reçoit à bout portant une arquebusade, à la tête, au cou, à la joue. Lardé de coups d’épée, il tombe à genoux, Vitry l’étend à terre d’un coup de pied. Concini, enterré comme un chien, est exhumé par la populace, qui le traîne au Pont-Neuf, où il est pendu à une des potences élevées pour ses détracteurs, comme jadis Aman. On le remorque aussitôt à la Grève, on le découpe en mille morceaux, ses entrailles sont noyées, le reste du cadavre est brûlé devant la statue du feu roi, et les cendres, vendues un quart d’écu l’once. Un énergumène lui arrache le cœur pour le manger. Sa veuve est brûlée comme sorcière, et son fils, déclaré incapable d’exercer aucune charge.

Concini entraîna la reine mère dans sa chute : la veuve de Henri IV fit une guerre impie à son fils et elle passa sa vie en prison ou en exil. Elle mourut à Cologne, dans la plus profonde misère, implacable dans sa haine contre Richelieu : le nonce du pape l’engageant à envoyer au cardinal, comme gage de réconciliation, son portrait dans un bracelet qui ne la quittait jamais, elle s’écria :

— Ah ! c’est trop !

P.-A.Changeur & Alfred Spont. « Les grandes infortunes. » Paris, 1890.

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