Ginger n’a pas bon caractère
Tout le monde est d’accord pour trouver à la blonde Ginger Rogers toutes les qualités : elle est jolie, joue dans la perfection et danse encore mieux. Oui, mais Ginger a-t-elle toujours bon caractère ? Peut-on demander à un être humain d’être parfait ? Et la petite note de vivacité et d’indépendance qui perce dans la gamme des qualités de la brillante Ginger, ne milite-t-elle pas plutôt en sa faveur ? Ginger Rogers, d’ailleurs, rit elle-même de ce qu’elle appelle ses sautes d’humeur et raconte volontiers cette petite anecdote :
Tout à fait au début de ma carrière, alors que la danse m’attirait déjà irrésistiblement, je ne laissais passer aucune occasion de me livrer à mon exercice favori.
Un soir que j’étais de passage dans un petit village en fête, je me mêlai au bal champêtre pour m’amuser. L’orchestre était assez médiocre et les fausses notes tombaient comme grêle sur les pauvres danseurs. Un solide garçon, mais qui entre nous dansait assez mal, m’invita plusieurs fois tout en manifestant son peu de confiance en mes capacités de danseuse. Tout à coup, une fausse note ayant dirigé mon pied sur le sien, il s’écria, courroucé :
— Décidément, ma pauvre enfant, vous ne saurez jamais danser !
Une belle gifle fut ma réponse à cette insolence, et je quittai le petit village à toute allure, bien décidée à ne jamais remettre les pieds dans un bal de ce genre.
Non, Ginger n’a pas bon caractère.
« Almanach / Ciné-miroir. » Paris, 1940.