L’escroc
Parmi les hors-la-loi, les escrocs jouissent d’une place spéciale. Ils sont considérés comme les intellectuels, les cerveaux de l’armée du crime, par leur ingéniosité, leur imagination dans le mal. Et les honnêtes gens qui se laissent prendre par eux sont, il faut bien le dire, mal défendus par le code contre leurs agissements.
Dernièrement dans les annonces d’un journal de province, on pouvait lire ceci :
« Voulez-vous ne plus avoir le nez rouge : envoyez 20 francs à M. X. »
L’adresse suivait, bien sûr. La somme était modique. Mais il faut croire que le nombre de personnes ayant l’appendice nasal rubicond était considérable. Et puis, pour l’esthétique, que ne ferait-on pas ? Les mandats affluaient. A chaque demande, la réponse parvenait par retour du courrier. Elle était invariable.
« Buvez un verre de plus et vous aurez le nez violet. »
Cette petite plaisanterie inoffensive, mais dont le coût était de 20 francs, fut diversement appréciée. Cependant, par peur du ridicule, personne n’osait porter plainte, jusqu’au jour où le Parquet fut saisi de l’affaire.
Quand les gendarmes vinrent arrêter l’escroc, cet homme candide, jouant l’étonnement, déclara :
— Que me reproche-t-on ? Ma comptabilité est régulière. Voyez plutôt mes livres : j’ai fait ma déclaration fiscale. Et puis quoi ! je faisais de la publicité aux vins de France.
« Qui ? : le magazine de l’énigme et de l’aventure. » Paris, 1946.