Un fantôme
Depuis une quinzaine de jours, les populations qui avoisinent le cimetière d’Ivry étaient sous le coup d’une véritable terreur.
L’effroi était causé par l’apparition nocturne d’un fantôme vêtu d’un suaire et dont la silhouette gigantesque se détachait du mur d’enceinte dès que l’horloge de la localité sonnait minuit. Le revenant avait été, disait-on, aperçu pour la première fois le lendemain de l’exécution de Pranzini.
Prévenu de la légende qui circulait, M. Bulot, commissaire de police, détacha une ronde spéciale d’agents. Pendant la dernière nuit, ceux-ci virent tout à coup le fantôme surgir d’un fossé, et aller et venir dans un champ de pommes de terre. Ils se précipitèrent sur le revenant, le revolver au poing, et en un clin d’œil le déshabillèrent. C’était un nommé Laurent S.., âgé de dix-huit ans, demeurant rue Thiers.
Dans le fossé d’où il était sorti se trouvait une voiture à bras, qu’il était en train de remplir de pommes de terre.
« Le Pays. » Paris, 17 septembre 1887.
Gravure : Eugène Viala.