Lettres perdues
Savez-vous ce que deviennent, aux Etats-Unis, les lettres tombées au rebut ?
Celles qui proviennent du Canada, de la Grande-Bretagne, de la Suisse, du Sud-Amérique et de l’Australie sont, par suite d’une convention spéciale, jetées aussitôt au feu. La France, l’Italie, la Russie, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Danemark et la Belgique montrent pour la correspondance de leurs nationaux un peu plus d’intérêt : elles les réclament intégralement, et la Russie pousse même la sollicitude jusqu’à faire recommander ses retours.
Le pays qui fournit le plus de besogne au Dead Letter Office (bureau des lettres au rebut), est l’Italie. La raison en est à la fois curieuse et simple : l’Italien qui écrit à son compatriote émigré aux Etats-Unis néglige couramment d’affranchir sa lettre. Le destinataire, de son côté, ne se soucie guère de payer la double taxe. Il lui suffit généralement de reconnaître l’écriture de l’envoyeur et de lire le nom de la ville d’où provient la missive, et il en conclut que son correspondant se porte bien, et rend la lettre au porteur… sans la décacheter.
On ne saurait économiser plus sagement.
« Le Pays : journal des volontés de la France. » Paris, 8 octobre 1902.