Est-ce que l'âme des devins, sorciers, charlatans et jongleurs, appelés aussi Marabouts, et qui servent de prêtres à certaines peuplades de l'Afrique, passerait dans le corps disgracieux de ce singulier oiseau? Nous l'ignorions, certes, et pourtant il existe, sans contredit, quelque similitude d'aspect entre tous ces marabouts; les uns et les autres ont l'air de vieux philosophes absolument détachés des choses d'ici-bas, et, nouveau rapprochement, ils n'en ont que l'air, également, les uns et les autres

Quoiqu'il en soit, les marabouts oiseaux, les seuls dont nous ayons à nous occuper, sont de grands échassicrs du genre Cigogne. On les nomme aussi Cigognes à sac, par allusion à l'appendice charnu, qui leur pend vers le milieu du cou.

Bec très long, très volumineux, celluleux, à base aussi large que la tête : la mandibule supérieure en carène renversée, triangulaire; la mandibule inférieure lisse et droite sur ses bords, à branches séparées par une membrane tendre au-delà de leur milieu. Manteau bronzé, très foncé, ventre blanc; queue allongée, très large, rectiligne.

La tête, le cou, sont dénudés; quelques poils seulement recouvrent l'occiput et le cou dont la partie inférieure se dilate. Voilà le Marabout.

On le trouve en troupes assez nombreuses dans l'Inde, le Bengale, les parties méridionales de l'Afrique, à l'embouchure des fleuves.

Aucune des espèces du genre Cigogne, ne dédaigne les charognes; sous ce rapport, toutes rendent des services aux pays qu'elles habitent en détruisant un grand nombre d'animaux nuisibles ou incommodes, ou en se repaissant de débris pestîlenliels. Mais le Marabout outre les reptiles qu'il mange aussi, est la plus vorace des Cigognes quant aux viandes corrompues ou autres : toute chose enfin qui peut offenser la vue ou l'odorat humain, entre dans l'estomac omnivore de ce boueur emplumé qui trouve alimentaires les substances les plus dégoûtantes. Les serpents, les lézards, les grenouilles, les petits quadrupèdes et les oiseaux, ont peu de chance de salut quand ils se trouvent sur le chemin du Grand gosier, du Mangeur d'os, du Ramasseur de Carcasses, comme en certains endroits on nomme ce vorace utilitaire; et comme le volume du dévorant exige un ample approvisionnement, sa consommation d'êtres vivants ou morts est énorme.

Les Marabouts délivrent Calcutta de ses immondices infectes. Ces oiseaux sont tellement apprivoisés dans cette ville, qu'à l'heure du dîner, ils se rendent devant les casernes, s'y rangent en ligne et attendent qu'on leur jette les débris du repas, surtout les os qu'ils avalent tout entiers et se disputent avec acharnement. Une disposition légale frappe d'une amende de cinq livres sterling (125 fr.) quiconque s'avise de tuer un Marabout : cette mesure s'explique par les services que rendent ces oiseaux en débarrassant la ville des détritus de toutes sortes dont les émanations sont de nature à entretenir les épidémies dans ces climats torrides.

De presque toutes les créatures vivantes, on peut faire des favoris domestiques, dit la Revue Britannique, et Smeathman remarqua un marabout qui était arrivé à ce rang élevé. Perché au haut des cotonniers, il restait immobile jusqu'à ce qu'il découvrit, du plus loin, les domestiques apportant les plats du dîner. Il descendait alors, et prenait place derrière la chaise de son maître. Mais il n'était pas facile de tenir en repos une aussi fâcheuse machine que son énorme bec, en présence de tant de bonnes choses, et les domestiques étaient armés de badines pour l'empêcher de se servir lui-même.

Cependant, malgré leur vigilance, de temps en temps, un oiseau rôti disparaissait du plat et s'engloutissait d'une seule goulée, dans le gosier du favori.

Il est facile, en etïet, de domestiquer le Marabout, et l'homme profite de sa familiarité pour lui arracher des plumes qui repoussent très bien. C'est sous la queue que se fait la récolte de ce duvet blanc et soyeux qui serf d'ornement au chapeau des femmes et que l'on appelle du nom de "animal : Marabout; et c'est un singulier caprice de la Nature de dégarnir la tête et le cou de cet oiseau disgracieux, pour reporter à l'extrémité opposée des plumes élégantes que les dames, elles, ne dédaignent pas de mettre sur leur tête, et qu'elles trouvent propres à rehausser leur beauté.

Ciconia Marabou : Le Chenil, février 1916

Le marabout

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