Recette utile pour se chauffer sans frais l’hiver

Vous vous rendez d’un pas agile dans la forêt la plus proche de votre demeure. Là, au lieu de perdre votre temps à faire de menu bois mort, vous taillez, avec votre couteau de poche, un bon baliveau de vingt à vingt-cinq centimètres de diamètre et de quatre à cinq pieds de long.

Cette opération finie, vous chargez le cylindre de chêne sur votre épaule et regagnez allégrement vos foyers en chantant la Boiteuse pour vous donner des jambes. Si la forêt est seulement à vingt kilomètres de votre domicile, cet exercice suffira pour vous tenir chaud pendant toute la première journée. Le lendemain, vous recommencez le même voyage, aller et retour, une ou plusieurs fois selon la distance, toujours votre arbre sur le dos, et ainsi de suite jusqu’à la venue du printemps. Je vous fiche mon billet que vous n’aurez pas froid, lors même qu’il gèlerait à moins trente degrés.

Remarquez que le baliveau ne s’usera nullement, qu’il pourra servir jusqu’à la fin de vos jours, être légué, même, à vos descendants pour un semblable usage.

Nota. — Si par hasard vous êtes surpris, au moment où vous venez de couper le baliveau, par le propriétaire du bois, le plus simple est de lui en asséner un bon coup sur la tête, après quoi vous serez certainement chauffé gratis jusqu’à la fin de vos jours dans les prisons de l’Etat.

« Almanach de Bibi-Tapin. »  Paris, 1899.