David et Goliath
Thiers et Barbey, alors journalistes, se prennent à parti dans leurs feuilles respectives. Thiers, qui ne connaissait pas l’imposante stature de Barbey, dit un jour à quelqu’un :
« Celui-là, je lui flanquerai ma canne sur la figure dès que je le rencontrerai. »
Ces paroles sont, naturellement, rapportées à Barbey d’Aurevilly.
Thiers entre, quelque temps après, dans la salle de rédaction d’un grand journal de l’époque, le Constitutionnel, et s’installe à corriger au crayon un article écrit la veille. Quelqu’un s’approche et lui dit :
« Vous voyez ce grand, là-bas, qui palabre dans le groupe de causeurs, c’est Barbey. »
Thiers, impressionné par la taille et l’allure « officier » de son adversaire, oublie ses menaces de la veille, achève rapidement son travail qu’il porte à la composition. Dans son trouble, il oublie son crayon sur la table. Alors, Barbey de sa voix de stentor :
« Hé, là-bas, monsieur ! Vous oubliez votre canne ! »
« Le Pêle-mêle. » Paris, 1925.