Illusion d’acoustique
Un jour, à Chicago, on donnait Paillasse de Ruggero Leoncavallo avec le célèbre ténor Enrico Caruso.
Le premier acte fut pour Caruso un triomphe avec ovations délirantes et quelques centaines de rappels. Alors l’artiste voulut mettre à l’épreuve la compétence musicale de ses auditeurs. Au deuxième tableau, le second ténor (Beppo) chante une sérénade derrière la coulisse. Caruso pria son collègue Albert Reiss de lui laisser chanter la sérénade et il la détailla de cette même voix douce et colorée qui venait de lui valoir tant d’applaudissements, mais le public écouta de cette même oreille indifférente qu’il prêtait habituellement au chant de Reiss.
Un critique influent affecta de sommeiller. On causait dans les loges, et du haut des galeries une voix cria :
« Assez de Reiss !… Caruso ! Caruso ! »
Le ténor Reiss eut du moins la consolation de s’apercevoir que son glorieux rival pouvait parfois n’être pas mieux traité que lui.
« Revue musicale de Lyon. » Lyon, 1905.
Illustration : capture écran YouTube.