La leçon de bonneteau
Deux malfaiteurs arrêtés en plein travail à la porte de Clignancourt avaient été conduits au commissariat des Grandes-carrières.L’inspecteur chargé de l’interrogatoire réclamait une démonstration, quand le « patron » M. Massu, vint à passer.
Les tours de cartes dans lesquels il excelle ont toujours intéressé ce grand policier. Il suivit le travail des doigts agiles. Le bonneteur opérait d’une main, et il raffinait encore en ceci qu’il cornait une carte juste assez pour que les spectateurs s’en aperçoivent, et croient qu’il s’agissait d’une marque convenue avec un complice.
Triomphalement, ils désignaient cette carte imperceptiblement cornée, et perdaient à chaque coup. L’adroit bonneteur, d’une main, avait décorné la carte, et il en avait corné une autre.
Le commissaire Massu n’avait jamais encore vu, dans sa longue carrière, un homme aussi habile. Il rentra dans son bureau, s’exerça un quart d’heure, et revint auprès des deux gredins, pour montrer à son tour ses talents. Le « baron » du vieux bonneteau n’en revenait pas.
— Qu’est-ce que c’est ce « gnière-là ». Je ne l’ai jamais vu à Clignancourt ? Il en connaît un bout. Qu’est-ce que t’attends pour l’embarquer dans notre combine ?
Il ne revint de son erreur que lorsque le commissaire Massu eut donné l’ordre d’embarquer le deux bonneteurs pour le dépôt.
« Qui ? : le magazine de l’énigme et de l’aventure. » Paris, 1946.