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Les anecdotes
17 janvier 2022

Une bonne leçon

richelieu-cuirasse

L’amiral Jauréguiberry s’était éteint après une carrière bien remplie. C’était une curieuse figure que celle de ce vieux brave, remuant et vif comme un jeune homme, plein d’entrain, de gaieté et de verve, toujours empressé auprès des femmes, comme un amiral de l’ancien régime. On nous raconte même à ce sujet une assez plaisante anecdote. 

Quand l’escadre de la Méditerranée était en rade de Villefranche, les jolies femmes  étaient sûres d’être bien accueillies à bord du vaisseau-amiral. Vous jugez combien il en venait de Nice, de Cannes et de toutes les plages environnantes. Les cuirassés de l’Etat avaient fini par servir de but à toutes les promenades mondaines. 

L’amiral Pothuau, ministre de la marine, vieux loup de mer d’une toute autre école, voyait d’un assez mauvais oeil ce défilé perpétuel de visiteuses. Maintes fois il avait fait des observations à ce sujet au commandant de l’escadre. Mais, rien n’y faisait. Le ministre, ne voulant point sévir contre son ancien camarade, mais désirant quand même lui donner une leçon, lui tendit un petit piège. Il fit surveiller les allées et venues du canot amiral. 

Un jour qu’une dame bien connue dans la société parisienne et dans le monde politique était venue déjeuner sans façon à bord du Richelieu, le télégraphe transmit tout à coup  au commandant de l’escadre la dépêche suivante : 

« Partez immédiatement pour Marseille sans prendre communication avec la terre.  » 
Signé : Amiral POTHUAU.

Pas moyen de discuter. La consigne était là. Il fallut bien obéir. La belle dame dut faire le voyage de Marseille bon gré, mal gré, sans pouvoir même prévenir de sa mésaventure les invités qu’elle attendait ce soir-là. 

Quant à l’amiral, s’il pesta peut-être in petto contre ce malencontreux télégramme qui prolongeait une agréable visite au delà de toute mesure, il fut assez discipliné pour n’en rien dire et assez galant pour n’en rien montrer. 

« Les Annales politiques et littéraires. » Paris, 1887.

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