Préjugés populaires
Dans les villages de la Normandie, certains préjugés se rattachent encore à la veille de Noël. Ainsi on prétend que, dans cette nuit exceptionnelle, les bœufs, les vaches, les ânes, tous les habitants des étables et des écuries sont gratifiés du don de la parole. Ils s’entretiennent gravement des devoirs de leur condition, et se plaignent ou s’applaudissent des traitements de leurs maîtres. Le miracle ne se produit point devant les personnes qui ont un péché mortel à se reprocher.
Un peu avant la messe de minuit, on place dans la cheminée une très grosse bûche qu’on appelle le tréfouet*, parce qu’elle doit servir au foyer pendant les trois fêtes de Noël. Lorsqu’elle est à demi brûlée, on l’éteint en jetant de l’eau bénite dessus, et on la garde soigneusement, afin que la maison soit préservée de la foudre toute l’année. Il est indispensable que le tison ait brûlé pendant les trois nuits de fête. Un morceau de pain, bénit à chacune des fêtes, a les mêmes propriétés que le tréfouet.
Certains monuments druidiques surnommés, à cause de cette circonstance, pierres tournantes ou tourneresses, s’animent et se mettent d’eux-mêmes en mouvement la veille de Noël, à l’heure de minuit. On voit que rien n’est neuf sous le soleil, et que le neuf n’est bien souvent que du rajeuni. Les tables tournantes ont été de bien longtemps devancées par les pierres tournantes. Le brevet d’invention que les Américains avaient pris paraît bien exposé à révision. Dans la commune de Condé-sur-Loison, arrondissement de Falaise, se trouve une pierre de ce genre, dite la Pierre cornue. Les habitants des environs ont, disent-ils, remarqué qu’au premier chant du coq, à minuit, on la voit s’ébranler et descendre vers la grande fontaine, située à quelque distance, pour s’y désaltérer.
Est-il besoin de démentir de telles superstitions ?
*Du latin tres foci, « trois feux »
« Almanach astrologique : magique, prophétique, satirique et des sciences occultes. » Paris, 1858.
Peinture : Georges Bouet.