Frayeur rétrospective

Le commandant d’armes de cette célèbre ville du Centre, un chef de bataillon qui se signala, à la tête de ses F.T.P., pendant l’occupation et lors de la Libération, est un Marseillais. Un vrai, avec la verve, la spontanéité, l’assent et les gestes ! 

Il était désireux, depuis longtemps, de combler une lacune anormale de sa vie aventureuse… Il n’avait jamais volé. Pensez ! Tout récemment, grâce à des camarades aviateurs, anciens F.T.P. comme lui, il put enfin recevoir le baptême de l’air. Pas un baptême pour père de famille… non ! Une séance d’acrobatie ! Imaginez qu’avant cette séance, ces bonnes âmes de camarades — jeu perfide — avaient tenté de le « dégonfler » par des allusions, des conseils, des mines subtilement funèbres. Mais rien n’y fit, l’officier dûment attaché à son siège, nanti d’un parachute, prit l’air. 

Quand, frais et rose après une demi-heure de piqués, de loopings et de tonneaux, il eut repris contact avec le sol, il entreprit de confier ses impressions avec une généreuse volubilité. Soudain, les yeux fixés au ciel, il s’interrompit… Le pilote ayant repris l’air avec un autre néophyte, dessinait dans l’azur les mêmes impressionnantes figures… 

« Il ne m’a pas fait faire cela au moins ?… s’enquit-il, subitement inquiet ». 

Et comme le chœur des camarades lui répondait par l’affirmation, il se cacha les yeux, criant avec une conviction nouvelle : 

… « Oh ! Bonne Mère. Comme j’ai eu peur !… »

« Aviation française. » Paris, 6 juin 1945.