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Les anecdotes
28 avril 2023

Les petites horreurs de la guerre

soldats_dahomey

Sous le titre Les Petites Horreurs de la Guerre le Dr Shipley, professeur de Zoologie à l'Université de Cambridge, vient de publier un intéressant volume où il traite des insectes parasites qui assaillent les armées en campagne et dont les hordes dévorantes ne sont pas moins à redouter que tous les engins rafinés dont la science moderne a doté les combattants.

Sans se couvrir des excuses hypocrites dont les Allemands voilent leurs atrocités, ces infîniments petits lancent leurs gros bataillons  contre l'espèce humaine et s'attaquent sans vergogne au corps, aux aliments et aux vêtements des malheureux soldats qui, absorbés par les dures travaux de la lutte, n'ont pas toujours le temps ni les moyens de combattre leurs invasions sournoises. Ces parasites en profitent pour s'établir dans des retranchements dont il est aussi difficile de les expulser que s'ils étaient à l'abri de tranchées fortifiées.

Les poux sont au premier rang de ces envahisseurs. Comme on évite de parler en temps de paix de ces répugnants insectes, leurs moeurs sont peu connues, mais la science qui n'a pas les pudeurs des gens du monde, a bravement entrepris de dévoiler la perversité de leur nature et les études de M. Warburton à Cambridge en vue de diriger contre les poux des armées des contr'attaques efficaces  ont révélé des particularités singulières de la vie de ces invertébrés.

Tout d'abord M. Warburton a eu à lutter contre le caractère contrariant des sujets qu'il voulait élever en captivité; rebelles à la  domestication, quand on voulait les faire vivre ils mouraient et quand on voulait les faire mourir ils continuaient à vivre. Après de nombreuses expériences, le Professeur réussit à élever ces insectes délicats dans les conditions suivantes. Le pou du corps, qui est une espèce distincte du pou du cuir chevelu, se fixe par le crochet de ses pattes à la surface des vêtements de dessous en contact avec le corps et il ne quitte pas son point d'attache pour piquer la peau et absorber le sang de l'hôte qui lui a donné, bien malgré lui, l'hospitalité. Les émanations du corps humain paraissent indispensables à son bien-être et lorsque M. Warburton installa des poux sur un morceau de flanelle dans un tube de verre bouché par un tampon de coton, il fallait que le tube restât nuit et jour en contact avec un corps humain pour que la vilaine bête consentit à vivre. De plus il fallait lui donner à manger deux fois par jour en disposant le morceau de flanelle sur le dos de la main de l'observateur que l'animal piquait sans lâcher la flanelle. L'incubation des oeufs dans le tube et l'élevage des jeunes ne présenta pas moins de difficultés mais nous n'entrerons pas dans ces détails pensant qu'aucun de nos lecteurs ne sera tenté de renouveler ces expériences minutieuses. La fleur de souffre et des lavages avec une solution de crésyl paraissent efficaces pour détruire ces hôtes incommodes et il est recommandé de porter du souffre sur soi dans un sachet mais il est plus difficile d'en débarrasser les vêtements, ces insectes pondant leurs oeufs dans les replis de la doublure et dans le joint des coutures. Là on n'en vient à bout que par des fumigations et en faisant passer les vêtements et la literie dans des étuves.

Les punaises ne sont pas moins difficiles à combattre que les poux. Comme elles peuvent s'applatir au point de n'avoir presque pas d'épaisseur, elles se glissent dans les moindres interstices des meubles et des boiseries des appartements d'où elles sortent la nuit pour aller au gagnage. Des lotions de menthol et d'amoniaque soulagent les démangeaisons causées par leurs piqûres et des fumigations de souffre prolongées pendant plusieurs heures dans les locaux infectés, dont on aura soigneusement bouché toutes les issues, sont efficaces pour débarrasser les habitations envahies.

Quelques praticiens ont contesté que les piqûres des punaises puissent propager le typhus, la tuberculose et la peste, mais pour les puces il n'y a pas d'erreur. Elles transportent sur l'homme les germes des diverses maladies qu'elles ont recueillies sur certains rongeurs et animaux herbivores sur lesquels elles élisent un domicile temporaire. Il y a de nombreuses espèces de puces affectées à différentes espèces d'animaux et ce sont les puces d'Asie et d'Egypte qui communiquent la maladie pesteuse. Les troupes qui combattent en Orient auront à s'en garder.

Les mouches sont encore de terribles véhicules de maladies infectieuses. Pendant la guerre Hispano-Américaine et la Campagne anglaise dans l'Afrique du Sud il a été constaté qu'elles avaient répandu l'entérite et le typhus, dont les bacilles ont été découverts dans le canal intestinal de ces diptères qui, de plus, se posant sur toutes sortes de matières en décomposition, entraînent des bactéries sur les poils de leurs suçoirs et de leurs pattes.

Les tiques ou ixodes, les démodex, le rouget, le sarcopte de la gale sont des acariens, c'est-à-dire des insectes voisins des araignées, bien connus pour les démangeaisons qu'ils causent et dont les morsures ouvrent la porte à des infiltrations de bactéries capables d'entraîner des suites graves comme certaine mite du Japon dont les piqûres sont suivies d'une mortalité de 70 pour cent.

La famille des sangsues a fourni plusieurs espèces utilisées,comme on le sait,par la médecine pour suppléer à la saignée, mais il y en a qui ne vivent pas seulement dans l'eau mais encore sur les terres où elles se trouvent en si grandes quantités que s'attachant aux pieds nus et aux jambes des troupes coloniales ou des indigènes elles ont causé de fortes mortalités. Ces annélides, dit Emerson  Tennent, à Ceylan, sont tout-à-fait terrestres, et ne vont jamais dans les étangs ni les cours d'eau. Ils ont environ un pouce de longueur et leur grosseur est celle d'une aiguille à tricoter. Leur corps est si flexible qu'ils peuvent se glisser à travers les mailles des bas et ne se fixent pas seulement sur les pieds et les chevilles mais encore grimpent sur le dos et jusqu'au cou de leur victime. Les  planteurs de café qui vivent en contact continuel avec ces ogres sanguinaires ne peuvent s'en préserver qu'en s'enveloppant les jambes d'un tissus très serré. Les indigènes se huilent le corps, se poudrent avec du tabac, ou s'enduisent de jus de citron. La vigilance de ces sangsues est telle qu'elles pressentent l'approche d'un passant sur la route et se dressant en troupes nombreuses au bord des sentiers, elles s'attachent aux pieds des hommes et des chevaux. En 1818 pendant la révolte des Chingalais, beaucoup de soldats Sepoys de Madras périrent à la suite des saignées que leur infligèrent ces annélides (1).

(1) The minor horrors of war par A. E. Shipley

Londres 1915. Smith Elder et C° éditeurs.

Le Chenil : journal des chasseurs et des éleveurs, 10 juin 1915

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