L’esprit de Forain
Jean-Louis Forain, qui vient de mourir, était aussi célèbre par son esprit que par son talent. On propageait ses mots comme les feuilles multipliaient ses dessins.
Son art était d’ailleurs, l’expression de sa pensée, qui était, elle-même, la formule de son tempérament. Le trait de son crayon avait le mordant, l’incisive vérité, parfois la cruauté profonde de la légende écrite par sa femme, ou du mot que lançait comme une flèche l’arc de ses lèvres minces et soigneusement rasées. De ces mots, on en a rapporté beaucoup depuis quelques jours. A-t-on fait état de ceux-ci ?
Une fois, dans un dîner où toutes les femmes étaient moins jeunes qu’elles ne voulaient le paraître, celle-ci avaient eu l’imprudence de parler d’âge.
— Moi, dit l’une d’elles, la plus arrangée et la plus marquée de toutes, quand j’aurai cinquante ans, je me tirerai une balle dans le coeur.
— Feu ! murmura, Forain, assez haut pour être entendu.
Il ne pouvait pas voir la peinture léchée du peintre Carolus Duran, ni souffrir la vantardise de cet artiste. Un jour qu’il l’avait entendu vanter outrageusement ses oeuvres, il s’approcha de lui et lui, demanda. en ricanant :
— Alors, monsieur Duran, on fait toujours un peu de peinture ?
« L’Impartial. » 1931.