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Les anecdotes
19 janvier 2022

Le véritable Cadet Rousselle

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Avec le roi Dagobert, M. de Malbrough et M. Dumollet, Cadet Rousselle a bercé notre enfance : nous savions, dès notre plus jeune âge, que cet étrange bonhomme, aussi attaché à la division ternaire qu’un serment de Bossuet ou un discours de Brunetière, avait trois maisons, trois habits, trois chapeaux, trois souliers, trois chats, trois chiens et trois deniers, et qu’il était d’ailleurs bon enfant, c’est-à-dire fort niais.

Y a-t-il eu un être réel qui ait inspiré ces traits à la verve populaire ? Oui, ce personnage a existé, et le chef-lieu du département de l’Yonne peut revendiquer l’honneur de l’avoir compté au nombre de ses habitants. Nous possédons d’abord, à ce sujet, le témoignage de l’abbé Fortin, archiprêtre, mort en 1878, qui avait connu Cadet Rousselle. C’était, dit-il, dans ses « Souvenirs », un huissier de la ville, nommé Guillaume Roussel, qui prêtait à rire à ses contemporains. En partant de cette affirmation, M. E. Thierriat s’est livré à des recherches historiques. 

Guillaume Roussel naquit dans le Jura, à Orgelet, en 1743, et, s’étant installé à Auxerre, il devint premier huissier audiencier au baillage et siège présidial de cette ville. Il épousa une certaine Jeanne Serpillon, qui avait seize ans de plus que lui, et c’est d’elle sans doute qu’il tenait sa maison. Cette maison était sise tout à côté de l’Horloge, entre le porche de la Tour Gaillarde et un corps de garde qui se trouvait alors à cet endroit. Par un acte passé en 1781 entre la ville et l’huissier, Roussel fut autorisé à construire, sur un espace de vingt pieds de long et huit de large, au niveau du cintre du porche de la Tour, moyennant le paiement à la ville de six livres par an. Combinaison très ingénieuse : il obtenait ainsi, à peu de frais, un droit imprévu de « prospect » pour sa maison enserrée entre le corps de garde et la haute masse de la Tour. On dut beaucoup jaser dans la ville sur cette construction bizarre, et ce fut elle, sans doute, qui inspira le couplet sur les maisons de Cadet Rousselle, « qui n’ont ni poutres ni chevrons ».

La chanson, en effet, fut composée dix ans après l’exécution de ce travail. La tradition veut qu’elle soit l’œuvre d’un des volontaires Auxerrois qui servaient, en 1792, sous les ordres du maréchal Lückner, en Flandre, car elle a été fortement inspirée de la vieille chanson brabançonne de « Jean de Nivelle ». Chantée d’abord par des soldats bourguignons, elle se répandit ensuite dans tous les corps de troupes, puis dans la France entière… Mais revenons à Guillaume Roussel. 

En 1793, il organisa la fête de la Raison, qui eut lieu dans la cathédrale d’Auxerre et se termina par un cortège à travers les rues de la ville. Il y parut même vêtu de nankin couleur chair, le menton orné d’une longue barbe blanche en filasse et le dos pourvu de deux grandes ailes bleues, une faux à la main… On a reconnu les attributs traditionnels du Temps. Mais, par une piquante dérogation à l’usage, l’huissier tenait sa faux renversée, afin de montrer que la République serait éternelle. 

Trois mois après la mort de sa femme, en 1803, il épousa une parente de la défunte, âgée, celle-ci, de vingt-sept ans de moins que lui. M. Thierriat pense que cette seconde union fut, comme la première, très intéressée, et que ces différences d’âge excitèrent la malice native des Auxerrois. N’est-ce point ce second mariage qui inspira l’un des couplets de la chanson (car la chanson a pu s’enrichir et s’allonger pendant plusieurs années) : 

Cadet Rousselle a trois chapeaux.
Les deux ronds ne sont pas très beaux,
Et le troisième est à deux cornes :
De sa tête il a pris la forme… 

Quoi qu’il en soit, Cadet Roussel trépassait en 1807, et la cérémonie eut lieu dans la cathédrale où, quatorze années auparavant, il avait si galamment figuré le Temps, ou plutôt l’Eternité… 

H. Morand.  » La société coopérative l’Union de Limoges. » 1927.

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