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Les anecdotes
19 janvier 2022

Le cordonnier qui veillait le mort

cordonnier

Dans les villages de Provence, on croit communément que celui qui veille un mort fait une bonne action.

Or, il y avait dans un pays un ouvrier cordonnier, assez simple d’esprit, qui toutes les fois que quelqu’un mourait sans avoir assez de parents ou d’amis pour être veillé, acceptait volontiers de lui rendre cet office. Il portait son tire-pied, une forme et du cuir, et passait bravement la nuit à faire des souliers sans dépense de luminaire. 

Un jour, ses camarades qui depuis longtemps, riaient de cette manière de faire, eurent envie de le dégoûter à jamais de veiller ainsi banalement les morts. Ils lui montèrent un coup qu’ils croyaient charmant. En effet un d’entre eux contrefit le mort, fut couché dans un lit avec tout l’appareil des funérailles, et un autre alla annoncer au cordonnier qu’on manquait d’une bonne âme pour aller veiller un mort la nuit suivante.

« J’y irai ! » dit notre bon garçon. 

Dès que la nuit commença, voilà qu’il arriva comme d’habitude dans la chambre du mort, avec son ouvrage sous le bras. Il s’installe tranquillement, se met à travailler tandis que tout le monde s’en va, et que les amis se cachent dans le voisinage pour jouir de la terreur du pauvre cordonnier lorsqu’il verra le prétendu mort revenir à la vie. 

Il s’écoule un moment sans incident. notre cordonnier tirait le lignol tranquillement, lorsque celui qui contrefaisait le cadavre fait un mouvement. A ce bruit, le veilleur regarde le lit mortuaire, avec stupéfaction, mais le prétendu mort, était redevenu immobile. Pensant qu’il s’était trompé, il se remet à-travailler. Au bout d’un instant le même manège se reproduit. Cette fois le cordonnier, bien certain de ne pas avoir été le jouet d’une illusion, s’adresse directement au cadavre simulé : 

« Mort, mon ami, reste tranquille et tâche de ne pas remuer ainsi. Fais-y bien attention ! Si tu continues à remuer, je te flanquerai un coup de forme sur leï brigo (la figure), qui te fera rester tranquille pour de bon. » 

Nouveau moment de repos suivi peu de temps après d’un nouveau mouvement du prétendu cadavre. Notre cordonnier s’arme d’une forme de botte, et d’un vigoureux coup brise la tète du mauvais plaisant, en ajoutant ces mots : 

« Maintenant, c… tu ne bougeras plus. » 

Cette fois, l’autre était bien mort et le veilleur ne fut plus dérangé de la nuit. Le lendemain matin, les amis, déroutés de n’avoir pas entendu le tapage auquel ils s’attendaient dans cette affaire, arrivèrent et constatèrent avec étonnement que celui qui devait jouer le rôle de mort l’était bien réellement. Le cordonnier interrogé, leur répondit : 

« Ah ! ne m’en parlez pas ! je n’ai jamais, de ma vie, rencontré un mort aussi remuant. J’ai même été obligé de lui donner ce violent coup de forme dont vous voyez les traces pour le faire rester définitivement tranquille. » 

Béranger Feraud. Recueilli à St-Maudrier près Toulon.

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