Un souverain bien gardé
Le sultan Abd-ul-Hamid a une terreur folle d’être assassiné. Aussi aucun souverain n’est-il mieux gardé que lui. Un Allemand en a fait l’expérience à ses dépens.
Lorsque ce sujet de Guillaume débarqua à Constantinople, les employés de l’octroi aperçurent dans une des malles du voyageur un guide Bædeker. Ils le confisquèrent sans hésitation. Le lendemain, le livre fut restitué à son propriétaire, mais en piteux état. Une centaines de pages en avaient été arrachées : toute la partie traitant de Constantinople.
Notre Allemand se rendit incontinent à la censure pour demandes des explications. On le reçut avec une obséquiosité tout orientale, et on lui fit remarquer (admirez la logique de ce raisonnement) qu’il n’était pas possible qu’on laissât entre les mains de personne une description de Constantinople, car ne pourrait-on pas utiliser un plan détaillé de cette ville pour approcher plus facilement le sultan et attenter à sa vie ?
« Mon dimanche. » Paris, 4 janvier 1903.