Transfusion du sang
Une intéressante opération chirurgicale vient d’avoir lieu à l’hôpital Beaujon. Elle a été pratiquée par M. le docteur Terrier.
Il s’agissait d’une transfusion du sang, chose assez rare. Par le moyen employé, l’habile chirurgien espère sauver la vie il une femme tombée à la suite de couches laborieuses dans le plus complet épuisement. Un interne n’a pas hésité à donner son sang pour la malheureuse femme. Le sang a été introduit immédiatement, au moyen d’un appareil spécial, dans les veines de la malade. A la suite de son acte de dévouement, l’interne a dû garder le lit. Sa situation n’inspire pas d’inquiétude, mais il est d’une grande faiblesse qui persistera encore quelque temps, selon toute probabilité.
La malade saura-t-elle gré à son sauveur du sacrifice qu’ il lui a fait ? Hélas ! trop souvent les médecins sont bien mal récompensés de leur zèle et de leurs soins; nous en avons chaque jour l’exemple.
Les premières tentatives de transfusion du sang furent faites au dix-septième siècle. Elles ne réussirent pas tout d’abord, parce qu’on injectait à la personne malade du sang d’animal. Or, l’expérience a prouvé que l’opération pour réussir doit nécessairement être faite d’homme à homme. Les essais heureux de M. Béhier à Paris, et de M. Roussel en Russie ont démontré qu’une opération faite dans ces conditions avait de grandes chances de succès.
L’opération consiste à faire à un homme de bonne volonté une saignée ordinaire d’au moins cinq cents grammes, à recueillir avec un entonnoir le sang qui s’écoule ensuite dans une seringue graduée, placée dans un vase plein d’eau à 34°, c’est-à-dire à la température du corps humain. On injecte le sang ainsi recueilli avec lenteur et précaution, dans une des veines du bras du malade que l’on a préalablement ouverte.
Telle est, à quelques détails près, l’opération que vient de faire M. Terrier à l’hôpital Beaujon.
« Journal de Fourmies. » Fourmies, 6 mai 1877.