Un mort ressuscité

Plus fort que la mort ! Telle sera désormais la devise de l’électricité, qui vient d’accomplir un nouveau miracle, le plus grand de tous, une résurrection. Oyez le récit de la prodigieuse expérience qui vient d’avoir lieu en Amérique.

Un riche spéculateur en thés, de New York, M. Isaac Romaine, perdit deux enfants, dans des circonstances atroces : ils moururent de la rage. Il ne surmonta point cette affliction; il tomba dans, une déprimante mélancolie et, un jour, trompant la surveillance des siens, il se pendit.

On coupa la corde. On prévint un médecin. Il était de ces nouveaux Esculapes qui croient qu’à l’électricité il n’est rien d’impossible. Il s’empara du corps, le plongea d’abord 20 minutes dans un bain très chaud, d’où il sortit à l’état de cadavre comme il y était entré. Cette manière d’ébouillanter les gens pour savoir s’ils sont bien morts a un cachet tout à fait local.

Le corps fut étendu sur une table. On lui appliqua des électrodes aux mains, aux pieds, on fit passer du courant. On aurait pu commencer par là. Les muscles, à cette invitation, tressaillirent, les paupières s’entrouvrirent. Mais ces expériences, qui avaient pour but de ranimer le trépassé s’il en était temps, échouèrent en ce sens que le corps restait insensible, le courant disparu.

D’autres expériences connues et assez délicates, comme des piqûres faites au diaphragme pour rétablir les mouvements respiratoires, échouèrent également. On ne fut. pas plus heureux avec l’application d’une machine artificielle, qui fonctionna pendant trois heures pour rétablir la respiration en agissant, sur les poumons, extérieurement ou intérieurement, par d’ingénieuses combinaisons trop longues à décrire. D’ailleurs, ce sont là entreprises auxquelles on s’est livré plus d’une fois chez nous, et de la même façon, pour ramener la vie chez les suicidés ou certains malades.

Nous arrivons à l’opération en laquelle consiste la nouveauté.

Une incision fut faite à chaque bras du patient; une artère fut ouverte dans le bras droit et une veine dans le bras gauche; ces incisions furent répétées sur les bras de l’un des médecins assistants. Ce médecin, qui se faisait ouvrir une artère pour sauver un moribond et tenter une expérience, ne se dissimulait sans doute point les graves conséquences d’un dévouement pareil.

La théorie était celle-ci : les pulsations cardiaques du vivant, se transmettant du cœur aux grosses artères et de celles-ci aux petites, pourraient se transmettre, par la circulation en retour, aux viscères, puis aux artères du mort et enfin à son cœur, dans lequel elles rappelleraient la vie.

Au bout de vingt minutes, le cœur mort commença à battre légèrement, puis plus vite. On activa la respiration artificielle, elle devint naturelle, faible mais régulière, après une demi-heure. La vie réintégra le corps avec une lenteur qui faisait craindre à chaque instant un insuccès. Enfin, la mort fut définitivement vaincue. Et, à cette heure, M. Isaac Romaine est en parfaite voie de guérison.

Le retour à la vie est ici un fait patent que personne ne songe à contester. On est tout au plus en droit, de se demander si M. lsaac Romaine revient d’au delà de la vie ou seulement du bord de l’abîme d’où, jusqu’à présent, personne n’était remonté. En tout cas, il revient de loin.

« L’Aventure : journal hebdomadaire. » Paris, 8 septembre 1927.
Image d’illustration.