Le ronfleur de Zurich
Il vient de mourir, dans un canton de la Suisse, un riche fermier qui était affligé d’une maladie bien gênante, peu rare, en vérité, en Suisse et même en France, mais qui chez lui atteignait un degré d’intensité effroyable.
M. Charles Lester (c’était son nom) était surnommé le « ronfleur de Zurich ». Il habitait un château immense, dans lequel il dormait seul, aucun de ses domestiques n’ayant jamais pu fermer l’oeil autour de lui. Quand la nuit était calme, on l’entendait au loin et certaines fois, en hiver, quand le ronfleur avait un rhume de cerveau, on accourait des environs pour l’entendre. La chute du Niagara seule, à ce que racontent les touristes, produisait un bruit aussi imposant.
On pense bien qu’une pareille infirmité rendait son propriétaire excessivement malheureux. Pour ne parler que d’un détail, feu Charles Lester aimait beaucoup séjourner à Paris, mais il n’y passait jamais que la nuit du mardi gras de chaque année. Cette nuit-là seulement, le ronfleur de Zurich pouvait dormir en toute liberté.
Tout le monde croyait qu’il jouait du cor de chasse !
« La Revue des journaux et des livres. » Paris, 1885.